Le développement de l'Internet en France
Un outil de communication non identifié
Le nouveau média tisse sa toile
De nouvelles perspectives politiques
Les politiques mises en oeuvre pour développer Internet
Une reconnection des désenchantés de la politique
L'Internet entre en campagne dans la présidentielle de 2002
La pré-netcampagne
La net-campagne "officielle" des candidats
Les internautes entrent dans la campagne
L'"autre" netcampagne dans l'entre-deux-tours
Regards sur les Etats-Unis
2000: les débuts de l’Internet dans une présidentielle américaine
Les primaires 2003 et le « déclic » Howard Dean 
2004: l’ancrage de l’Internet dans la vie politique américaine
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Sites de sondage et polémique

Contrairement aux sondages statiques, les sites de sondages en ligne permettent de suivre les tendances au plus près de l’élection, par le fait d’être souvent « en direct ». Mais loin de se heurter aux contraintes du code électorale, et à celles relatives aux autorités administratives, ils ont été au cœur de la dynamique de l’entre deux tours. Ils ont aussi été comme les sondages en général quels que soient les supports, sous le feu des critiques.

En effet, alors qu’en 1995, il y avait moins de 50.000 internautes en France pour l’élection présidentielle, en 2002, près de 16.4 millions d’internautes français étaient connectés le 21 avril (source Mediamétrie), la plupart d’entre eux cherchant à prendre la mesure des résultats du premier tour.

Dans un arrêt en date du 4 septembre 2001, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a mis fin, sur le fondement de la liberté d'expression, à l'interdiction énoncée à l'article 11 de la loi du 19 juillet 1977, de diffuser la semaine précédent le scrutin, tout sondage d'opinion relatif à une élection. Néanmoins, la loi ayant été amendée en la matière et remplacée par la loi du 19 février 2002, la publication de ces sondages est désormais interdite dans les 48 heures avant lesdites élections. Ainsi, il devient intéressant de s’interroger sur la licéité des sondages en direct sur Internet ayant lieu le jour même de l’élection, violant a priori la loi.

Enfin, il est précisé que l’interdiction édictée par loi du 19 février 2002 modifiant le régime des sondages électoraux, "ne fait pas obstacle à la poursuite de la diffusion des publications parues ou des données mises en ligne avant cette date", et ne saurait ainsi contraindre à retirer les sondages et leurs commentaires des sites où ils auraient été publiés.

Ainsi, la combinaison du principe de liberté d’expression énoncée dans la Convention européenne des droits de l’homme, à laquelle la France est partie, de la liberté de la presse (loi du 29 juillet 1881), de la relative restriction relative à la qualification jurisprudentielle de sondage, a permis aux sites de sondage directs d’opérer librement sur Internet. Ajoutons néanmoins que le fait pour une institution d’héberger son site diffusant des sondages électoraux illicites en France, sur un serveur localisé à l’étranger, ne l’exonère pas de l’infraction.

Il est probable que si la réforme du code électoral répond dans l’urgence à une question sensible, elle ne résout pas toutes les questions ayant trait à la publication des sondages. En particulier, la période de 48 heures où est interdite la publication risque de voir se développer des pratiques destinées à contourner la loi, par exemple par l’utilisation de liens hypertextes vers des sites étrangers qui échappent à la prohibition. On notera toutefois que la 17e chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris a statué le 6 avril 2001 et condamné le directeur de la publication de l'hebdomadaire Paris Match pour avoir, par la voie d'un lien hypertexte menant sur une page hébergée sur le serveur américain Geocities, diffusé un sondage pendant la période de 48 heures précédant un scrutin.

Par ailleurs, les  sondages sont accusés d’avoir  favorisés l’élimination de  Lionel  Jospin du second tour de l’élection présidentielle  et d’avoir fait le jeu de  Jean-Marie  Le Pen. 

"Nz s'interroge et accuse: «Qu’est-il arrivé à la France et que s’est-il passé dans la tête des électeurs, où est l’erreur ? Vous pouvez chercher dans la dispersion de la gauche, dans la contestation du bilan de Jospin, dans l’absence de débat politique dans la campagne, ou encore dans l’abstention, vous avez peut-être raison. Moi, j’accuse le matraquage des sondages et les erreurs de comportements qu’ils provoquent.. "

Les détracteurs des sondages en demandent  l’interdiction  entre les deux  tours  « au nom du  combat  contre  l’extrémisme» et de la mobilisation générale  contre  Jean-Marie Le Pen. Après. Au-delà  de  la nécessité de poursuivre  une  mission d’information sur l’état de l’opinion, les diffuseurs de sondages ont avancé un certain nombre d’arguments pour justifier leur position.

« Les sondages  n’ont rien  vu venir  avant le premier  tour, ils  ne verront rien avant le second tour ».  La  vocation  des enquêtes n’est  pas de  prédire  au point  près  le  résultat du  vote.  Il y a eu des grandes difficultés à photographier une opinion hésitante, fluctuante et rétive à l’interrogation. L’avant-veille du premier tour, 41% des Français  n’avaient pas choisi.   On a parlé d’exceptionnel niveau  d’indécision du corps  électoral. Et partant sur l’impossibilité de  prévoir avec certitudes les résultats.

Quant à parler de « faillite des sondages » comme le font certains, c’est  ignorer la réalité.  Tout  au long de  la campagne de  premier tour les enquêtes ont fort bien mesuré  les  percées  et les phénomènes d’érosion de  Jean-Pierre Chevènement et d’Arlette  Laguiller. Le niveau des « petits candidats », censés pourtant se situer dans la zone d’imprécision statistique, a été justement  apprécié, de même que la dégradation continue des positions de Lionel Jospin et de Jacques Chirac, mais aussi la progression  impressionnante  de Jean-Marie  le Pen et la montée  en puissance du  vote potentiel en faveur des extr&ecir c;mes.  Le choc psychologique du premier tour fausse la perspective : on croit que les sondages ont eu « tout faux » parce qu’ils n’ont pas vu que la courbe de Jean-Marie Le Pen  croiserait celle de Lionel Jospin, mais si l’on compare les dernières enquêtes au résultat final, on constate que le différentiel demeure dans les limites strictes de la marge d’erreur statistique, que les instituts n’ont jamais cessé de mettre en avant.

Il ne s’agit pas bien sûr de nier  la  difficulté, réelle,  à capter  l’intention de vote favorable  à Jean-Marie Le Pen.  Mais ceux qui  exigent  plus, c’est  à dire un pronostic  à coup sûr  nient la nouvelle  situation de  volatilité  électorale et  par la même la liberté ultime des électeurs.

« L’instrument ne serait  plus en mesure de cerner  la  tendance  pré-électorale » : Pour  pouvoir  être  aussi  sûr d’une telle  affirmation, quelle  meilleure  solution que  de  continuer   à mener  des enquêtes ? Les  équipes  d’Ipsos  ont enregistré dans le  sondage  publié le 29 avril 2002 une nette  baisse  du niveau de refus opposé  à l’interview. A ceux qui considèrent qu'il n’est  plus possible d’interroger  sérieusement les  Français, une question s’impose : en quoi serait-ce  plus  facile  à l’approche des législatives, la plus complexe de tou tes  les élections ? Personne  bien sûr ne  doute des limites de  l’instrument d’intention de  vote. Il reste  néanmoins la meilleure  clarification face  à  toutes  les rumeurs. Il  a par ailleurs toujours  été  accompagné d’éléments  d’information  sur le  climat de  campagne, l’image et  la  crédibilité des  candidats, l’impact des enjeux de campagne. La  richesse  des données  publiées  va  dans  le même  sens

« Un sondage  donnant  l’impression d’une  défaite  assurée  de  Jean-Marie Le  Pen  est  dangereux. » Un sondage d’intentions de  vote  ne peut pas  avoir  comme  fonction ultime l’incitation au vote, moins encore au vote en faveur de tel ou tel. Il n’est en  rien  une prédiction et s’il devait offrir une  garantie  absolue, le choix  démocratique  par le  vote  en serait  singulièrement dévalué. Et que  diraient  les partisans  de  la censure  si  des enquêtes  sérieusement conduites mais non publiées faisaient  apparaître  une  progression forte  du président  du Front National e n  fin de semaine ? Faudrait-il  alors changer  une nouvelle  fois la  règle  sous prétexte de  mobiliser les  indécis ? L’obsession de  « l’effet sondage » apparaît  en réalité  comme  une  manifestation singulière d’absence de  confiance dans  les  électeurs.

Source d’information précieuse  en  campagne  électorale,  le sondage n’en demeure pas  moins soumis à  une obligation de  prudence dans son interprétation. La nouvelle tendance d’intentions de vote sera désormais « encadrée » par des  niveaux  minimum et maximum calculés  à partir du niveau d’hésitation des  électeurs en faveur des solutions alternatives : le vote pour l’adversaire, le  vote  blanc, nul et l’abstention. Pour qu’il soit bien clair aux yeux de tous qu’un sondage ne saurait être autre chose que ce qu’il prétend être : un instrument imparfait mais irremplaçable, au service d’une démocratie adulte.

 

'cartographie en direct'

 

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