La
régénération de la démocratie ?
L’introuvable
troisième voie démocratique.
Le
cyberespace est parfois présenté comme une troisième
voie démocratique, plus proche de la démocratie directe
que de la démocratie représentative. La démocratie
moderne, telle que nous la connaissons, devrait selon les tenants
de cette thèse céder la place à une cyberdémocratie –certes
encore difficilement imaginable…
L’éclosion
de l’Internet ne ferait alors que « poursuivre
un mouvement pluriséculaire de montée de la visibilité et
de la transparence » (Pierre Levy, Cyberdémocratie). Les
possibilités qu’il offre ne feraient alors qu’étayer
les revendications politiques appelant à la constitution
de démocraties directes, ainsi qu’à l’engagement
d’un processus de désintermédiation politique.
Dans ce contexte, le réseau deviendrait le paradigme d’un
nouveau modèle de démocratie.
Dans
la pratique, le Net entraînerait –de manière
naturelle- une modification de la façon de gouverner, installant
petit à petit un contact direct entre la population et ses
dirigeants. Celle-ci, fortement mobilisée, pourrait intervenir
davantage au sein des débats politiques, peser davantage
sur les décisions politiques (il deviendrait par exemple
possible d’organiser en permanence des referendums).
Selon
les cyberdémocrates convaincus, les possibilités
offertes par les NTIC sont fort nombreuses. PH. Robert- Demontrond
( « Enjeux et limites de
la cyberdémocratie ») résume en quatre
points leur argumentation : Les NTIC permettent :
- "Une
stimulation de l’intérêt des citoyens à la
res publica
- une
augmentation de la transparence de l’action administrative
- une
réduction du pouvoir discrétionnaire de l’administration
(un contrôle du traitement égalitaire des citoyens)
- une
augmentation de la participation des citoyens aux processus
de consultation et de décision. »
Le
réseau permettrait ainsi d’instaurer la ‘planète
relationnelle’(selon le titre d’un essai par A. Bressand
et C. Distler), c'est-à-dire une société transparente,
consensuelle et démocratique. Les problèmes et les échecs
de la démocratie moderne étant alors imputés
aux médiations trop lentes et trop peu démocratiques du
système représentatif, Internet semble être
la solution miracle : il supprime « l’immédiation
et l’immédiat ».
Comme
le souligne Pierre Musso (« La
technique ne peut pas remplacer la politique »)
, dans cette perspective « la technique jouerait
le rôle de prothèse multiforme : les réseaux
d’informations tiendraient lieu de nouveau lien social et
d’outils pour une nouvelle démocratie directe, interactive
et instantanée. »
La
démocratie virtuelle serait ainsi à portée
de main, au moment où la démocratie réelle
est menacée Les cyberdémocrates n’hésitent
pas à affirmer que pour la première fois de l’histoire,
une démocratie directe sera plus facile à mettre
en place qu’une démocratie parlementaire.
On
le voit bien, la troisième voie démocratique censément
offerte par le réseau demeure introuvable. L’argumentation
en sa faveur demeure faible, en particulier sur les aspects concrets
de sa réalisation. Il semble que la « surcharge
symbolique des réseaux permet la décharge du politique
sur la technique» (P. Musso, déjà cité) , technique
censée instaurer presque magiquement une utopie du changement
social.
Il
n’est d’ailleurs pas certain que cette cyberdémocratie
soit même souhaitable, notamment parce qu’elle tendrait à renforcer
le pouvoir des intérêts privés (lobbies) au
détriment de l’intérêt général,
et favoriserait le populisme et la démagogie.
Aller
vers 'Revitaliser la démocratie représentative'
|