L'effrayante
nouveauté.
Mais
c’est justement cette liberté qui fait peur à certains,
qui estiment qu’elle est très (trop ?) susceptible
d’entraîner des dérapages éthiques ou
délictuels. Ceux-là justifient leur réticence
vis-à-vis du Net en le diabolisant.
Ainsi,
l’effacement des frontières qu’il semble permettre
ouvre la porte à tous les crimes, à l’organisation
de toutes les mafias : « il faut dompter Internet.
Rien n’est plus redoutable qu’une liberté sauvage.
[…]Il est vrai que le Net, stupéfiant réseau
planétaire où chacun peut parler et être entendu,
portait en lui-même des vices trop humains. […] L’indiscernable
maquis international se prête en effet à toutes les
rencontres interlopes et à beaucoup de manipulations informatiques" (
I. Rioufol, « Un enjeu
politique").
Les
nombreuses et possibles dérives d’un réseau
non régulé effrayent donc et sont dénoncées,
tandis que les critiques peuvent être portées par
des perspectives idéologiques de nature très différente.
La
liberté régnant sur le réseau risque ainsi
selon certains auteurs, tel Paul Virilio (« Les
illusions du temps zéro »), de conduire à un
monde uniformisé, sans relief ni diversité, bref à un
monde déshumanisé : « les nouvelles
technologies de l’information sont des technologies de la
mise en réseau des relations et de l’information et,
en tant que telles, elles véhiculent bien évidemment
la perspective d’une humanité unie, mais aussi d’une
humanité réduite à une uniformité ». Ce
risque de l’uniformisation peut sembler d’autant plus
important que le danger de la perversion du réseau par le
système marchand plane.
Cette
thèse est également défendue par Paul Soriano
et Alain Finkielkraut. Ils estiment que l’euphorie dont bénéficie
Internet est susceptible de conduire à ce qu’ils ont
choisi d’appeler le « monde zéro »,
c'est-à-dire à l’avènement d’un
humanisme sans l’homme. Précisons néanmoins
que ce qui rend selon eux cet « extase » Internet
dangereuse, c’est « la convergence de trois
phénomènes d’ordre technique (le développement
du réseau et du génie génétique), économique
(la mondialisation et la conquête de l’existence humaine
par la sphère marchande) et idéologique (la crise
des régulations et des institutions) & raquo; (Internet,
l’inquiétante extase).
Il
apparaît alors essentiel de défendre l’espace
de liberté et d’échanges gratuits des débuts,
afin d’éviter que ne lui succède un espace économique
participant à la course à la consommation et porteur,
justement, de lien social minimum. Cette défense de la liberté peut
passer par un recours à l’Etat comme puissance régulatrice.
Défenseurs français de l’utopie humaniste d’Internet
et analystes craignant que le réseau ne soit envahi par
les sectes, négationnistes (etc.) se rejoignent alors dans
leur appel à l’intervention de la puissance publique
régulatrice.

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