Le développement de l'Internet en France
Un outil de communication non identifié
Le nouveau média tisse sa toile
De nouvelles perspectives politiques
Les politiques mises en oeuvre pour développer Internet
Une reconnection des désenchantés de la politique
L'Internet entre en campagne dans la présidentielle de 2002
La pré-netcampagne
La net-campagne "officielle" des candidats
Les internautes entrent dans la campagne
L'"autre" netcampagne dans l'entre-deux-tours
Regards sur les Etats-Unis
2000: les débuts de l’Internet dans une présidentielle américaine
Les primaires 2003 et le « déclic » Howard Dean 
2004: l’ancrage de l’Internet dans la vie politique américaine
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Cartographies en direct

Après la réussite de l'opération au 1er tour, la rédaction de Profession Politique a été pour la soirée électorale du 2ème tour de la Présidentielle, à nouveau installée au Ministère de l'Intérieur afin de transmettre en temps réel les résultats des élections, au fur et à mesure de leur publication officielle. Profession Politique a en effet proposé sur son site www.professionpolitique.info, ainsi qu'en partenariat avec d'autres portails (www.yahoo.fr) une carte de France interactive à partir de laquelle tous les résultats des élections ont été accessibles, département par département et ville par ville.

D'autres services sont également proposés qui permettent de suivre en direct les réactions des hommes politiques, de comparer les résultats des précédentes élections présidentielles et législatives, de consulter les derniers sondages et de se tenir informés des résultats des français expatriés.

Ce service de Profession Politique a suscité au 1er tour un vif intérêt chez de nombreux internautes. Avec 500000 connexions sur Yahoo.fr, 100000 sur Club-Internet.fr, le nombre de connexion sur le site de Profession Politique quadruplé ; cette action est, tant en terme technique qu'en terme de contenu, considérée comme "la plus réussie" (notamment par L'Internaute).

Pour Pierre-Marie Vidal, Directeur de la rédaction de Profession Politique, « le service électoral se termine à 23h sur les grands médias, après le commentaire, les internautes cherchent l'info précise c'est ce qui explique le succès de ce service. Une information définitive, accessible de façon très simple grâce à l'interactivité de la carte. Sur le web, les soirées électorales dure toute une semaine ».

"A l'instar des chaînes de télévision et des journaux , Yahoo! Actualités, premier site d'information en terme d'audience a connu une explosion de son trafic autant sur ses pages d'actualités que sur les forums consacrés aux élections. Ce partenariat avec Profession Politique a renforcé la qualité et la précision de l'information offertes aux internautes. Plus que jamais, Internet et Yahoo! en particulier s'est imposé comme un média à part entière. Capable d'être au coeur du débat électoral en proposant une actualité en temps réel et en tout lieu" déclare Ari Szwebel , responsable " Média & Entertainment" chez Yahoo! France.

Alors que les sondages n’échappent pas à la pression de la norme intellectuelle qui contribue sans doute à fabriquer une volonté de cacher son vote ou son intention de vote -ce qui explique en grande partie le fait que le vote en faveur de Le Pen ait été sous valorisé- la cartographie en direct se fonde directement sur les résultats du vote au fur et à mesure du décompte des voix dans les différentes zones géographiques.

Pour J.Levy, l’appartenance au " sol " résiste mieux que l’appartenance religieuse, patrimoniale ou de classe. Sur le plan électoral, cette relation à la multispatialité se manifeste de façon diverse : un vote extrémiste des habitants captifs mais aussi des résidents secondaires littoraux ; un vote anti-Lepen dans les grandes villes des " urbains-cultivés-européo-cosmopolites.

Ainsi, elle constitue un outil privilégié pour comprendre le vote des français par zone géographique, l’échelle retenue étant souvent le département. Néanmoins, l’interprétation des résultats pour comprendre le comportement des français par zone géographique est loin d’être aisé, et le fait qu’ils soient en ligne et en direct ne facilite pas la prise de distance, nécessaire à la réflexion et à l’interprétation.

Par ailleurs, la cartographie en ligne n’échappe pas aux critiques de la cartographie traditionnelle. Loin d’innover en donnant les résultats à différentes échelles, la cartographie en direct retient souvent l’échelle du département. Or les départements unis ne sont guère moins " hétérogènes " que les régions françaises, pourtant 4.5 fois moins nombreuses. Cette dispersion départementale est également très variable selon les lieux. Ainsi, des départements connaissent des écarts types supérieurs à 10 points en leur sein. Ainsi, le discours fréquent d’une homogénéisation des comportements, observé à l’échelle départementale, masque peut-être au co ntraire une radicalisation des oppositions internes, notamment entre les agglomérations élargies et les périphéries rurales.

Le premier tour de l’élection présidentielle de 2002 est présenté par tous les spécialistes comme une élection de rupture. Cette rupture se marque non seulement par le score sans précédent atteint par le Front-national, mais également par le niveau de l’abstention, et l’éclatement de l’offre politique.

Près d’un quart des suffrages exprimés se sont dirigés vers des candidats qui ont atteint moins de 5% des suffrages exprimés ; près de la moitié vers des candidats qui ont atteint moins de 10 % des suffrages exprimés. Ceci constitue une réelle nouveauté pour un système politique français, pourtant déjà antérieurement présenté comme multipartiste.

Incontestablement, au delà du thème " sur-médiatisé " de l’insécurité, de nouveaux enjeux sont apparus lors de cette élection.

Le recours à la carte par canton, qui revient à passer de moins de 100 unités spatiales observées à plus de 4000, permet de confirmer ou d’infirmer cette impression.

En 2002, pour la première fois en France, le ministère de l’intérieur a diffusé à l’échelle nationale ces résultats par canton dans la semaine qui suit le scrutin. C’est donc la première fois qu’une analyse géographiquement aussi fine est permise " à chaud " après un scrutin national.

La carte du candidat arrivé en tête dans chaque canton à l’issue du premier tour est un premier révélateur de l’évolution du scrutin présidentiel. En 1995, seulement 6 candidats étaient parvenus en tête dans au moins un canton (Jospin, 1800), Chirac (700), Balladur (500), Le Pen (300), Hue (60), De Villiers (16).

La répartition en 2002 est radicalement différente : Chirac domine dans 2065 cantons, non seulement dans le centre de la France, mais également dans tout le nord-ouest, où il était devancé en 1995 par Balladur. Le Pen arrive en tête dans 1301 cantons, tous à l’est de la ligne le Havre-Perpignan, excepté la vallée de la Garonne et la Sologne. Jospin est le premier candidat dans 729 cantons, concentrés dans l’extrême sud-ouest, ou isolés dans les périphéries des pôles urbains (Rouen, Caen, Rennes, Niort, Toulouse, Grenoble...).

En dehors de ces trois candidats, seul Saint-Josse parvient à dominer politiquement certains territoires : 50 cantons au total, organisés en pôles d’une dizaine de cantons (baie de Somme, Médoc, confins sud du massif central...). Ces territoires constituent en quelque sorte des zones politiques tampons entre les sphères d’influence des trois premiers candidats.

Enfin, quatre candidats ne sont présents que très résiduellement dans des fiefs directement liés au lieu de leur mandat local : Chevènement (7), Bayrou (6), Hue (2), Mégret (1). Aucun de ces candidats ne bénéficie donc d’un très fort " effet d’amitié local ", contrairement à ce que l’on avait pu observer en 1995, par exemple pour De Villiers. Ainsi, la théorie du " friends and neighbours effect " (" effet d’amitié locale ") qui caractérise le lien entre l’origine géographique d’un candidat et le vote en sa faveur, développée par J.O Key (1966) largement reprise par la suite (Cox, 1969, Taylor et Johnston, 1979) a été mise à mal par les résu ltats de la cartographie en ligne relative aux résultats du premier tour.

Tribunitiens pour J.Lévy (Libération, mardi 23 avril 2002), protestataires pour d’autres, les courants non gouvernementaux apparaissent, une fois cumulés, comme une force politique qui représente un tiers des français, d’ampleur égale à la gauche et à la droite gouvernementales. La protestation devient bien entendu de loin la première force si l’on intègre les abstentionnistes. Sur la carte, le cumul des partis protestataires permet d’observer une France du nord-est et du pourtour méditerranéen où ils représentent plus de 40% des voix exprimées, et même plus de 50% dans un nombre non négligeable de cantons.

Cette importance de la protestation s’observe également assez nettement dans les périphéries des grandes agglomérations, où les votes Le Pen et Saint-Josse tendent à se cumuler. Si ce phénomène n’existe pas dans le nord-ouest, il est très lisible autour de Paris (il apparaît sur les frontières de l’Ile de France), de Lyon, de Strasbourg ou de Bordeaux. La protestation ne semble pas, ou plus, un phénomène concentré en ville, mais au contraire dans des espaces qui se vivent comme relégués, méfiants vis-à-vis de la ville et de ses maux supposés, revendiquant une ruralité fantasmée, illusoire dans ces espaces polarisés.

La carte du vote Front-national est la plus explicitement spatiale parmi les votes protestataires. Au sein d’un trapèze Dunkerque-Paris-Strasbourg-Belfort, pratiquement aucun canton n’accorde moins de 15% des suffrages exprimés à Le Pen. Le phénomène de " banalisation " y apparaît très nettement, tout comme dans un cercle de 150 kilomètres de diamètre autour de Lyon, et autour du " S " inversé méditerranéen. A l’inverse, de Brest à Albi, dans une bande de 150 kilomètres, le Front national ne dépasse dans presque aucun canton 15 % des voix.

Des études ont montré le développement du phénomène du "mix TV-Web" qui désigne le comportement des téléspectateurs qui sont en même temps connectés à Internet, surfent tout en visionnant une émission, et éventuellement se rendent sur les sites dont l'adresse est valorisée dans une publicité télévisée ou une émission. Pour cette première soirée électorale qui se passera aussi bien sur le web que sur le petit écran, tous les sites n’avaient pas la même valeur qualitative.

 

'Les sites anti Lepen'

 

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