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Qu'est
ce qui fait circuler les idées?
Débat autour du
déterminisme technologique. Les
NTIC, et plus particulièrement Internet, sont régulièrement
présentées comme devant naturellement entraînées
une transformation en profondeur de la vie politique, transformation
allant dans le sens d’une démocratisation tous azimuts.Dans
cette optique, les NTIC sont envisagées comme susceptible
de déterminer les changements sociaux : « L’informatique
et, surtout, Internet changent le monde et les rapports humains » (B.
Lang, V. Donzeau-Gouge et P. Weis, « Internet,
nouvelle utopie humaniste ? »).
L’essence
des media est bel et bien censée influencé l’organisation
politique de la société : « L’écriture
avait été le fondement des hiérarchie et du
secret étatiques, l’alphabet celui de la cité antique
et de la libre citoyenneté, l’imprimerie celui de
l’opinion publique, de l’idée des droits de
l’Homme et de la démocrate moderne. De même,
l’omnivision, ou la transparence numérique, deviendra
la base d’une cyberdémocratie encore difficilement
imaginable" ( Pierre Levy, Cyberdémocratie).
Il
serait ainsi, selon certains technophiles, dans leur nature intrinsèque
de favoriser la démocratie la plus directe possible, voire
l’autogestion, le corps social n’ayant plus à faire
appel à un pouvoir central ni à des représentants
pour fonctionner. Elles permettraient de tels gains (abolition
des frontières matérielles telles que le temps et
l’espace, et immatérielles tels les barrières
sociales), qu’est finalement supposée se dessiner, à l’horizon,
la cyberdémocratie.
D’autres
au contraire dénoncent cette récurrence du mythe
saint-Simonien datant du 19 ème siècle et de la naissance
des premiers réseaux modernes de télécommunications.
Ils rappellent qu’il ne faut pas surestimer le déterminisme
technologique, et que ce sont bel et bien les idées, non
les médias, qui entraînent les révolutions
politiques.
L’exemple
du réseau télévisé, censé, dans
les années 1970, réenchanter la démocratie
est utilisé par les défenseurs de cette conception,
qui souligne que le bilan des actions menées (retransmission
des conseils municipaux…) est maigre, et affirment « que
ceux qui font la fête à Internet feraient bien de
méditer cet exemple » ( P. Petit et T. Grillet, « Les
mirages d’Internet »).
Pour
les défenseurs de cette conception, Internet n’est
en définitive qu’un nouveau moyen de communication
comme un autre (voir un simple moyen de transport), certes susceptible
de relayer les idées mais non pas de les faire naître…contrairement à ce
qu’espèrent sans doute certains, comme le souligne
ironiquement P. Breton : « l’utopie d’une
communication entre les hommes rendue plus aisée grâce
aux ordinateurs apparaît en effet dès le milieu des
années 1940 aux Etats-Unis. Véritable serpent de
mer, cette utopie, loin d’être dépendante de
l’innovation technique elle-même, comme on serait tenté de
le croire trop rapidement, semble plutôt dépendante
du rythme d’usure des grands idéaux politiques &r
aquo; ( « Informatique
et utopie »).
Ce
débat autour d’Internet ne fait que réactualiser
celui du déterminisme technologique. La question n’est
semble-t-il pas régler, contrairement à ce qu’affirmait
déjà Proudhon (cité par P. Petit et T.
Grillet) : « Ce qui fait circuler les idées,
comme on dit, ce ne sont pas les voitures. Ce sont les écrivains,
c’est la discussion politique, la presse libre. La longueur
des chemins de fer exploités en France a été triplée.
Nous ne voyons pas que depuis la moindre idée circule ».
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